Miles Davis - Ascenseur pour l'échafaud - Vinyle
Les récits contradictoires de la création par Miles Davis de la bande sonore du film noir Ascenseur pour l’Échafaud de Louis Malle font désormais partie de sa légende.
Rarement une bande sonore n'a été aussi déterminante. Près de soixante-dix ans plus tard, au-delà du mythe, cet enregistrement tendu et fiévreux, empreint d'une tension dramatique extrême, reste l'un des meilleurs disques de Miles.
Le schéma de base demeure : Jean-Paul Rappeneau suggère à Malle de demander à Miles Davis de créer la bande sonore du film, qui accepte d'enregistrer la musique après avoir assisté à une projection privée. Davis se produisait au Club Saint-Germain à Paris en novembre 1957 et, le 4 décembre, il amenait ses quatre compagnons au studio d'enregistrement sans les avoir fait préparer quoi que ce soit. Davis n'a donné aux musiciens que quelques séquences harmoniques rudimentaires qu'il avait assemblées dans sa chambre d'hôtel, et, une fois l'intrigue expliquée, le groupe a improvisé sans thème précomposé, tandis que des boucles éditées des séquences cinématographiques musicales pertinentes ont été projetées en arrière-plan. Le bassiste Pierre Michelot a rappelé en 1988 que « Miles vient de nous demander de jouer deux accords, D mineur et C7, 4 bars de chacun, ad lib ». En général, Miles planifiait très peu, mais savait exactement ce qu'il voulait. François Leterrier, deuxième assistant réalisateur du film, reprend l’histoire : « La séance a commencé vers 10 heures et s’est poursuivie jusqu’à l’aube. L'écran de l'auditorium montrait les scènes pour lesquelles Miles avait conçu quelques harmonies, et elles ont été éditées en boucle. Et c'est ce qui rend cette musique unique : elle a été entièrement improvisée dans des conditions qui remontent à l'époque des films muets, tout en regardant des cadres filmés en noir et blanc par le directeur photo Henri Decaë : traquer des plans de Jeanne Moreau qui déambulait sur les Champs-Elysées la nuit, passant devant des vitrines éclairées ou allant dans les bars, tout en recherchant son amant / meurtrier alias Maurice Ronet... Nous tous dans l'auditorium sombre étions conscients que quelque chose d'extraordinaire se passait, quelque chose qui ne s'était certainement jamais produit auparavant. [...] Dans les petites heures, nous nous sommes tous retrouvés au Pied de Cochon aux Halles, et Louis regardait Miles avec les yeux incrédules d'un enfant... comme s'il ne pouvait pas croire le cadeau qu'il venait de recevoir. Même dans ses rêves les plus fous, il n'avait probablement jamais imaginé à quoi ressemblerait son film une fois qu'il aurait été illuminé par la trompette de Miles, incisif ou enveloppé doucement dans du coton.»
La musique est sortie le 10» par Fontana et a reçu le Grand Prix de l’Académie Charles Cros. Il a été lancé aux États-Unis sur Columbia en tant que A-side du LP Jazz Track de 12 pouces, qui a reçu une nomination Grammy en 1960 pour la meilleure performance de jazz, solo ou petit groupe. Cette belle réédition de l'enregistrement original est pressée sur 180g vinyle chez GZ, et emballée dans une veste à embout porte de luxe avec les notes de doublure originales de Boris Vian et la photo de studio emblématique de Jean-Pierre Leloir de Miles et Jeanne Moreau, et un essai sur les circonstances qui ont mené à cette musique hors du commun par Franck Bergerot.
TRACKLIST :
Side 1
- Générique 2’45
- L’Assassinat de Carala 2’10
- Sur l’autoroute 2’15
- Julien dans l’ascenseur 2’07
- Florence sur les Champs-Élysées 2’50
Side 2
- Dîner au motel 3’58
- Évasion de Julien 0’53
- Visite du Vigile 2’00
- Au bar du Petit Bac 2’50
- Chez le photographe du motel 3’50
Musique composée par Miles Davis
Enregistré au Poste Parisien - 4/5 décembre 1957
Miles Davis, trompette ; Barney Wilen, ténor-sax ; René Urtreger, piano ;
Pierre Michelot, basse ; Kenny Clarke, batterie